Paroles de Thio, c’est du théâtre, du slam, du rap, du chant aussi, des contes… Un spectacle à la croisée des genres qui se nourrit de vécu pour en faire des histoires écrites à plusieurs mains et avec beaucoup d’âme(s).
Dans Paroles de Thio, Sylvain Lorgnier, directeur de la compagnie Les Artgonautes du Pacifique, combine ses deux passions, le conte et l’histoire, qu’il met au service de l’expression des habitants de la commune.
« À mon sens, dans un pays qu’on dit être une “Terre de parole”, on souffre pas mal du non-dit »,
explique-t-il. Il redécouvre Thio, quand elle devient, en 2012, l’épicentre de Tembeu, le premier festival du conte.
Cette région, semblable au Nord de la France dont il est originaire, le fascine : l’apogée de l’âge minier, puis la désertion, les ravages écologiques et la déchéance économique… C’est de cette terre meurtrie qu’a jailli son envie de faire parler les gens.
Une écriture collective
Sylvain part à la rencontre des jeunes, des mamans et des grands-pères pour puiser la sève de Thio dans la richesse de ses souvenirs et de ses faits divers. « Les gens sont métissés dans ces histoires-là ! »
Après avoir retranscrit plus de 150 témoignages, « l’équivalent de trois à quatre mois de bavardages, de plantation… », il classe chaque discussion par thématique dans des « boîtes ». Il y a les « bons souvenirs »,
la « jeunesse », et bien sûr la « mine »... Ces boîtes à idées sont ensuite confiées à des auteurs du pays, comme Claudine Jacques, Joël Paul, Fly, Denis Pourawa et bien d’autres, qui (ré)écrivent, à partir de cette matière, des textes à la frontière du réel et de la fiction. En bout de course, c’est le trio atypique formé par la comédienne Maïté Siwene, le slameur Erwan Botrel et le rappeur Kydam, qui les interprètent sur scène. Finalement, ce n’est qu’une histoire d’étapes et de dons…
Entrer en résonance
Ce travail à plusieurs plumes devait ensuite être unifié en un spectacle cohérent. La compagnie a ainsi fait appel au conteur et metteur en scène métropolitain Nordine Hassani, lui imposant un défi majeur : une scénographie minimale qui permet « de jouer où on veut, sans contrainte technique », explique Sylvain.
« Il fallait occuper l’espace, et faire en sorte que les comédiens interprètent les textes par rapport à leur propre vécu pour qu’une histoire individuelle entre en résonance avec celles des autres et ait plus de poids », se souvient Nordine. On obtient un spectacle très fort en émotion, « une vraie claque pour tout le monde ».